Par Cécile TAUVEL (co-fondatrice de La Minut’Rit)
C’est la semaine du développement durable et cette année, Le Havre a invité Günter Pauli. Cet industriel belge est le fondateur de ZERI (Zero Emission Research Initiative). J’avais eu la chance de l’entendre pour la première fois lors du dernier LH Forum (pour accéder à son intervention, cliquez ici). Il y avait déjà expliqué ses initiatives industrielles, inspirées par la nature, ainsi que son concept d’économie bleue. Serge Kimbel, Directeur général de Morphosis (cf l’article précédent) et François Haas, Vice-Président Industrie de la CCI du Havre ont participé à la table ronde : « Partagez les idées innovantes de l’économie bleue« .
Mais tout d’abord, qu’est-ce que « l’économie bleue » ?
Sans avoir participé à la conférence, il est un peu difficile de le comprendre cette vidéo…
Pourquoi bleue ? C’est la couleur qui représente le mieux notre environnement : en effet, le ciel est bleu, les océans sont bleus et vue du ciel, notre Planète est bleue. En s’inspirant de notre environnement, de ce que fait la Nature, Günter Pauli construit un nouveau modèle économique.
Alors qu’il était président d’Ecover, il a pris conscience que les produits de son entreprise, même s’ils avaient un impact moindre sur la pollution des eaux contribuaient malheureusement à la déforestation et produisaient des déchets. Lorsque les gros lessiviers se sont approprié la formule plus écologique des lessives Ecover, cela eut un impact sur la demande en huile de palme en Indonésie, ce qui a sacrifié 800 000 hectares de forêt. Cette lessive pourtant écologique a contribué à la déforestation.
Aujourd’hui, il est important de changer les règles du jeu.
L’économie bleue va plus loin que l’économie verte, qui ne représente, après plus de 30 ans d’initiatives industrielles et politiques que 0,1% de l’économie mondiale. Alors Günter Pauli veut faire mieux. Sa proposition se concentre sur la création des valeurs ajoutées : faire beaucoup plus avec ce qui est disponible localement et avoir un objectif clair : la création d’emplois.
C’est la nature, où il n’y a ni chômage ni déchets, qui inspire Günter Pauli. Günter Pauli évalue à « 100 millions d’emplois en dix ans », le potentiel de l’économie bleue. D’après le sondage qu’il a réalisé fin 2014, son équipe et lui sont parvenus à créer 3 millions de postes de travail. Ses initiatives ont déjà mobilisé 3 milliards d’euros d’investissements. Il fournit de nombreux exemples de projets collaboratifs Sud-Sud.
Quelques exemples évoqués lors de la conférence :
Des livres en papier pierre. Les pierres des mines et les bouteilles plastiques PET sont des déchets. En combinant les deux (80% de pierres moulues et 20% de PET), on obtient du papier pierre que l’on produit sans eau et qui est recyclable à l’infini.
La culture de champignons sur du marc de café. On a découvert que le marc de café est un substrat idéal pour la culture des champignons. Les producteurs de café peuvent réutiliser leurs déchets pour cultiver des champignons. En Afrique, des femmes assurent ainsi leur sécurité alimentaire. À Paris, ce modèle a été adopté par la société Ufarm qui cultive ainsi des pleurotes… notamment achetées par de grands chefs étoilés. Vous pouvez également acheter votre « boite à champignons« . A Rotterdam, les champignons poussent dans les anciens locaux techniques d’une piscine désaffectée, avec du marc de café, collecté dans les restaurants de la ville. Dans le monde, cela représente déjà 3 000 entreprises !
Ce qui n’a pas de valeur pour l’un, en a pour un autre.
Des fables pour tous les écoliers de Chine. Günter Pauli écrit des contes intégrant les différents principes de l’économie bleue pour inspirer les enfants. Le gouvernement Chinois a donné son accord pour une distribution gratuite de toutes ses fables dans les écoles en Chine. Celles qui sont publiées ont déjà été traduites dans toute une série de langues et certaines font l’objet de chansons et de danses.
Du pain local. Günter Pauli travaille depuis fin 2014 avec Johannesburg, où l’objectif est de créer 100 000 emplois en 6 mois. Cela passe par 29 opportunités et notamment briser le monopole du pain en créant 5 000 boulangeries avec des fours solaires. L’argent circule très vite puisque les boulangers sont payés en 10 min grâce au téléphone et à la dématérialisation des factures. C’est 18 000 emplois de créés…
Du biocarburant à base de chardons : Comment produire des biocarburants sans dépendre de plantes nécessaires à l’alimentation ? La biochimiste Catia Bastioli (élue « inventeur de l’année » en 2007) a développé un procédé de raffinerie d’huile de chardon, lançant sur des terres ingrates de Sardaigne, la culture de cette « mauvais herbe ». Une raffinerie classique, en lien avec ENI, a été transformée en « bioraffinerie ». Plusieurs bioraffineries sont désormais opérationnelles en Italie du Nord (www.novamont.com et www.montedison.it).